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« Pierre évidée, la montagne a ses cavités, ses galeries, ses failles, ses chambres secrètes... »
Anonyme anglais (XVIe siècle)
« Un seul chemin ramène à l’enfance, à la graine d’avant la graine, à la roche liquide datant du temps où le feu consumait la terre. »
Antonio VALENTE (XVIe siècle)
« Le prince du rire est un enfant à barbe grise riche de sept montagnes ensemencées d’oiseaux des mers, de mille et une cascatelles cristallines... »
« A mi-chemin de la grotte, invisible dans un arbre creux qui domine la forêt espionne un vieux rôdeur »
Louis MARCHAND (1669-1732)
« Baluchon égaré au pied d’un sorbier en bas du chemin, bâton d’aveugle abandonné sur les grenailles grisailles »
Bernard FOCCROULLE (1953)
« Dans les circonvolutions du chemin, il y a elle, il y a lui, il y avalanche de « je t’aime » en gros blocs pierreux, en galets polis, égaiement de « je t’aime ».
Dietrich BUXTEHUDE
« De soulèvement en soulèvement, la terre pourfendue oppose au marcheur la grande muraille grise. »
Louis MARCHAND
« Le rôdeur a repéré les marques laissées par les trois immenses crocs d’acier »
Anonyme anglais (XVIe siècle)
« Une jeune femme soutient une autre, plus âgée sur le chemin qui mène à la grotte. »
Jean-François DANDRIEU (1682-1738)
« Les pas du vieux rôdeurs se réinscrivent dans les pas du jeune homme qu’il était. »
Francisco CORREA DE ARAUXO (1575-1633)
« Et le rôdeur de se questionner sur le mutisme singulier des papillons, ces fleurs sans tiges qui se recueillent, ailes jointes »
Bernard FOCCROULLE (1953)
« Et le rôdeur de conclure »
Johann Sebastian BACH (1685-1750)
Pierre évidée,
La montagne a ses cavités, ses galeries,
ses failles, ses chambres secrètes.
Elle a mis ses sculpteurs à l'œuvre
Avec pour pics et ciseaux, l'eau et le vent,
Avec pour mortier ces sédiments sans âge
Qui ignorent notre temps construit de mois, de jours et d'heures,
De minutes et de secondes.
Dans le crâne rocheux de la falaise, un orbe noir et béant,
Clepsydre battant au pouls des gouttinements,
Orchestre natif d'avant l'éclosion des oreilles et du chantonnement.
La grotte m'apprend
de la reliance d'une femme et d'un feu noircissant ses voûtes,
d'une alvéole enclavée accueillant sa couche
Elle me parle d'un regard contemplant le large de la plaine,
Cette peinture de cent saisons
où poudroient le ponceau et le mauve clair du bluet,
scintille le jaune dans le camaïeu multiple et changeant des
verts que jour et soleil illuminent,
des bruns et ors que les automnes déclinent.
La grotte garde jalousement le secret d'une treizième apôtre,
de cheveux roux blanchissant,
d'une longue prière amoureuse scellée dans ses pierres,
de la part de larmes qui se mêla, jadis, à ses ruissellements
Un seul chemin ramène à l'enfance,
A la graine d'avant la graine,
A la roche liquide datant du temps où le feu consumait la terre.
Mais deux chemins escarpés vont vers la grotte,
L'un fait de marches et de paliers,
L'autre de tortueux plans inclinés.
Ici, ils croisent des rires clairs et des cris d'insouciances.
Il fait bon sauter de pierre en pierre,
lancer du caillou en contrebas du sentier pentu,
désordonner le plan d'eau, le délié fluide du ruisseau.
Sous l'œil émeraude de la forêt se consignent en douce
mille mémoires de marchages et de marquages,
mille fois mille empreintes.
Cornes et cors, pied menu, pied nu, sabots et souliers,
Sangles et sandales, godillots vieillots, godasses lasses,
Portant outils ou victuailles,
Portant bagage...Le bagage des vies qui passent,
le bagage des joies et des peines,
des exaltations ou des harassements,
des batailles saines ou malsaines.
La forêt émeraude sait ce que perdition veut dire,
haute et basse trahison.
Elle ne méjuge pas puisqu'elle ombrage égalitairement les deux chemins et
ventonne aux pèlerins
Que chaque feuillage qui balance
est invite à la danse.
Le prince du rire est un enfant à barbe grise
riche de sept montagnes ensemencées d'oiseaux des mers,
de mille et une cascatelles cristallines,
d'un lagon turquoise où s'ébattent un plein filet de garçonnets
et de fillettes.
Le rire du prince, quand il éclate, est repris en chœur par tous les oiseaux,
toutes les sources,
tous les lutins rieurs qui peuplent la forêt émeraude.
Et cette clameur joyeuse et communicative détend
les traits crispés des vieux arbres, des rochers fissurés,
du marcheur prisonnier des torons de ses rides,
stress et détresse, ventre noué, écroué.
Et le front ravagé de l'écorce redevient lisse,
le drapé accidenté de la pierre gomme ses ombres,
le marcheur marque un temps d'arrêt et se fend,
triomphant,
d'un sourire d'enfant.
A mi-chemin de la grotte,
Invisible dans un arbre creux qui domine la forêt
espionne un vieux rôdeur
dont le regard transperce jour comme nuit
la carcasse mais aussi l'âme des gens.
Pour chaque marcheur qui passe, le rôdeur prend son peson, sa toise,
ajuste le fléau de sa balance,
équilibre les deux plateaux et jauge.
Pour chaque passant, il entend la mélodie, la vibration,
le jeu qui corne, vrombit, trompette ou bombarde.
Ici, le chant est amoureux,
quelques notes claires sur le pipeau du berger à sa fromagère.
Ailleurs, il relaie la lassitude, la colère, le désœuvrement,
tous ces cailloux glissés dans nos besaces et qui lestent nos pas.
Il jubile dès qu'un bonheur se profile,
s'enthousiasme pour chaque promesse qui se dresse.
Quand un chagrin se perd en cheminance, il s'en remet à L'Organier
Et, brusquement, tous les arbres creux de la forêt émeraude,
tous les roseaux,
se gonflent d'un chant invisible, inaudible, indescriptible
pour les cœurs aveugles et sourds,
un chant hautement perceptible, par contre,
pour ceux qui gardent l'oreille collée sur l'âme.
Baluchon égaré au pied d'un sorbier en bas du chemin,
Bâton d'aveugle abandonné sur les grenailles grisaille
là où un chien errant lèche une patte écorchée par un loup.
Indifférente, la cloche claire pourfend le silence de la plaine.
Il est heure où les moines psalmodient
et à ce remous fervent s'ajoute le raffut atonal et lointain
d'un troupeau de chèvre avec son chevrier.
Une voix égarée réclame un brin d'aide sur le chemin désert;
un cabas à ramasser, un bâton à lui rendre.
Un parfum passe et l'aveugle tend les mains.
« Dieu vous le rende, Sainte Dame! » s'exclame-t-il.
Il se lève ensuite et reprend sa marche prudente sur le sentier périlleux
où personne à part lui n'a eu d'yeux
pour apercevoir Marie-Madeleine.
Témoin de la scène, le rôdeur en est marri.
Dans les circonvolutions du chemin,
il y a elle, il y a lui,
il y a avalanche de « je t'aime » en gros blocs pierreux, en galets polis,
égaiement de « je t'aime ».
La forêt émeraude éparpille ses oiseaux,
Qu'ils essaiment du chant d'amour à tous vents,
Écarquille ses ruisseaux,
Qu'ils réjouissent le val en aval.
Ils s'aiment en toute évidence
en toute transparence.
Deux sources, un seul jaillissement!
Et la vasque d'eau étale,
reflet de leur jeunesse et de leur beauté
parle d'arrêter le temps,
de s'arrêter sur l'instant.
Elle et lui, lui et elle, inchangé
quoi qu'il advienne,
quoi qu'il en coûte du tribut que réclame la vie
de l'usure des cœurs et des corps,
Eux deux, rescapés du naufrage.
Dans le tortueux du chemin,
il y a elle, il y a lui,
Si vieux, déjà, dans le fripé du sentier,
avec du « je t'aime » atrophié, rapetissé, haletant.
Elle, si délicate, lui, si prévenant, encore.
Chacun ignorant qui fermera les yeux de l'autre,
ils sont pétris des mêmes souvenirs,
de peines communes, imbriqués.
Et les enracinés centenaires se reconnaissent en eux,
la grise paroi avec sa grotte noire aussi.
Le ciel emboucané de novembre
que traversent en hâte de vieux oiseaux en transhumance
les regarde marcher main dans la main
et passe au-dessus d'eux en se gardant bien
de lâcher ses pluies.
De soulèvement en soulèvement,
La terre pourfendue oppose au marcheur la grande muraille grise.
Sous la voûte de la basilique, le vent gravit les fûts des fières bombardes
Et enchevêtre quatre notes terribles.
De soulèvement en soulèvement,
La sève se fait source jaillissante
Elle mène ses sinuances jusqu'aux cimes des hauts arbres,
Verdit feuilles et bourgeons.
Sous les doigts de l'organiste, le vent arpente les buselures d'étain mat
et détoure les invisibles contours d'un chant.
De soulèvement en soulèvement,
Des mains ont ouvert deux voies de pierres et de caillasses
Vers un sommet de hautes espérances.
De soulèvement en soulèvement,
Les marches succèdent aux marches,
Les volées aux volées,
Les chemins aux chemins, encore.
Et le marcheur se fige dans l'immobile et souffle en silence.
Plus tard, il se relève et recommence obstinément
L'éphémère ascension de sa destinée.
Le rôdeur a repéré les marques laissées par les trois immenses crocs d'acier
qui, en des temps immémoriaux,
ont hissé la longue bande rocheuse à hauteur de montagne.
Le rôdeur impute au prince des régions inférieures ce forfait.
Qui, en dehors de Lucifer, a une fourche assez large et robuste
pour mener à bien ce titanesque travail de terrassement?
Le rôdeur soupçonne le diable d'entrouvrir « a volo » des pertuis sur l'enfer,
de multiplier avaloirs et chausse-trappes vers le royaume des ombres.
Volant au secours des hommes, il paraîtrait qu'un chêne sacré
entreprit de coudre de ses racines
l'immense mâchoire édentée incisée par le Malin
au bas de la Sainte Baume.
Il rallia à son projet ses congénères et ses confrères
les hêtres, les tilleuls, les ifs et les houx.
Toute une forêt verte et dense ensouchée dans la dureté de la pierre
tressa de concert un mur infranchissable,
indestructible et étanche comme barrage de castors
reléguant, Satan, dans les ténèbres de son empire.
Sur le chemin qui mène à la grotte,
une jeune femme soutient une autre, plus âgée. .
Deux femmes portent un deuil,
celui d'un fils,
celui d'un amour.
Et cette mort pèse sur leurs épaules
comme les madriers assemblés d'une croix.
Deux pèlerines avancent en conversant
et le rôdeur voudrait avoir les oreilles du vent
pour entendre sans être vu ce qu'elles disent.
Prisonnier de ses imaginations,
il ne perçoit pas qu'elles rient beaucoup
et que les chants qu'elles fredonnent
sont comptines d'enfants.
Les pas du vieux rôdeur
se réinscrivent dans les pas du jeune homme qu'il était.
Cinquante ans séparent la foulée qu'il fit jadis sur le même chemin
de la foulée d'aujourd'hui.
Il était dans ses illusions alors,
exactement au lever de ses rêves et de ses amours.
Il avait peu vu la mort, peu essuyé de revers du sort.
Il ne possédait rien mais il avait tout,
tout de ce que pouvoir et argent ne peuvent offrir.
Il était libre et beau. Aérien.
Flûtes, cornets et prestants, il entonnait clair et lèger
la joyeuse partition de la vie,
le feuillage côté lumière de notre passage sur terre.
Cinquante ans ramènent le rôdeur et sa marche lasse sur ses propres traces.
Le vent qui respire dans les tuyères sœurs
a gagné en épaisseur.
Le son qui est émis en do, en sol, en mi
questionne l'infini, délimite le fini.
Pas qui se recouvrent,
mains qui s'escaladent sur les claviers noirs de l'instrument,
le chant se boucle
inexorablement.
Et le rôdeur de se questionner
sur le mutisme singulier des papillons,
Ces fleurs sans tige qui se recueillent, ailes jointes,
quand elles ne se déboussolent pas
dans les sept mille directions du monde.
Peintures flottantes au bout de pinceaux de vent,
le papillon est au silence coloré
ce que le chant, avec ses tons, ses demi-tons, ces gammes,
est à la palette du plasticien.
Et le rôdeur de rêver aux grandes orgues de Saint-Maximin
d'où s'échapperaient par millions
des notes papillons
ainsi qu'à la longue paroi de roches grises
offrant refuge au plus insolite et bariolé des fleurissements.
Et le rôdeur de conclure:
Vents qui sifflent,
qui soufflent,
qui musent,
qui couinent,
qui trompettent ou bourdonnent,
Les vents me disent de l'organier qu'il est
sculpteur de sons,
poète d'appeaux,
dompteur de tempêtes.
S'il m'est donné dans une autre vie de devenir courant d'air
je m'offrirai à la voracité des grandes orgues.
Trop heureux d'être brise captive de l'instrument,
Je ferai jusqu'au tournis le chemin
qui va du soufflet à la note
pour l'échappée par les flûtes d'un accord de tierce
ou le réveil de cent clairons.
Vent jouette, je passerai et repasserai
dans la machinerie de l'artisan
jusqu'à temps qu'elle m'expire,
sur un la de cristal,
dans le monde musicien des anges.
A l’orgue Bernard Fouccroulle
A la voix, Bernard Tirtiaux
Remerciements à Pierre Bardon, titulaire des Grandes Orgues Isnard de Saint-Maximin la Sainte-Baume.
Projet pilote soutenu par le Ministère de la Culture et de la Communication dans le cadre de l\'appel à projets 2012 « pour des services numériques culturels innovants », et par La Région PACA - Service Education à l\'Environnement et Démarches Ecocitoyennes.